1h22 avec… Lolly Wish

Writer // Boris Rodesch - Photography // Michel Verpoorten



Chanteuse, effeuilleuse burlesque, diva boudoir, maîtresse de cérémonie ou coach de bien-être et de féminité, la Namuroise se produit depuis trois ans au Crazy Horse où elle fait figure d’exception.

Boris Rodesch a pris le Thalys avec Lolly Wish



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Quel est le point commun entre toutes vos activités ?

C’est moi en tant que femme, c’est la féminité. 


Comment avez-vous découvert l’univers du burlesque ?

À quatre ans, je savais déjà que je voulais devenir chanteuse. Je regardais les vieux films américains avec ma grand-mère et j’admirais ces femmes comme Ginger Rogers, Marilyn Monroe et toutes ces actrices qui pouvaient danser, chanter, jouer la comédie et être magnifiquement habillées, coiffées et maquillées. Je me souviens aussi de la fameuse chanson « Why Don’t You Do Right », un standard du jazz des années 1920, merveilleusement repris par Jessica Rabbit. Ce morceau que je chante sur scène au Crazy est aujourd’hui l’une des chansons la plus téléchargée sur la compilation du Crazy Horse.

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Un mot sur votre formation ?

J’ai fait de la danse classique contemporaine quand j’étais petite. J’ai ensuite suivi des cours de diction et d’éloquence à l’IATA à Namur avant de m’inscrire dans des écoles d’acting comme le Parallax ou la Kleine Academy à Bruxelles.

Quel est votre premier souvenir du Crazy Horse ?

Je me souviens des spectacles qui passaient à la télévision le soir de la Saint-Sylvestre. Bien avant de m’y produire, j’étais déjà coach en bien-être pour les femmes. J’évoquais le fait que parfois, on s’obstine à vouloir se créer une place dans un environnement qui ne nous correspond pas. Je me prenais en exemple en leur disant que j’étais une artiste de cabaret, opulente et pulpeuse, et que ça ne me viendrait jamais à l’idée de passer un casting au Crazy Horse où les filles ont un physique si parfait. J’ai désormais aboli cette idée en démontrant que tout était possible. Aujourd’hui, on prend sa place là où on veut la prendre. Il n’y avait pas de place prédestinée au Crazy pour une femme comme moi, mais nous l’avons créée.

C’était aussi l’occasion pour ce temple de l’érotisme et de la sensualité d’enfin apporter une vision plus contemporaine de la féminité ?

Exactement, les préceptes sont en train de se renverser à tous les niveaux et désormais, on offre enfin un espace à tous les types de femmes.  

Comment avez-vous été accueillie par les danseuses du Crazy Horse, on imagine que c’est un milieu très fermé ?

C’est un énorme privilège de pouvoir travailler avec elles. Dès le moment où nous avons franchi la porte — avec mon partenaire de scène, George Bangable —, nous étions légitimes. Le Crazy, et plus particulièrement sa directrice artistique belge, Andrée Deissenberg, cherchait depuis des années une façon d’impliquer davantage le public dans le spectacle, mais elle ne trouvait pas le concept idéal. Et puis, nous sommes arrivés en tant que Crazy Entertainers. D’un seul coup, nous bouleversions les codes de cette institution qui existe depuis plus de 65 ans. L’arrivée d’une diva boudoir et d’un homme, c’était nouveau pour tout le monde. Lorsque nous avons débuté dans ce rôle de maître de cérémonie, c’était évident pour la direction et pour les danseuses que l’on puisse monter sur scène au moment du final. Pourtant, dans toute l’histoire du Crazy, jamais un homme n’avait pu se retrouver sur scène au côté des danseuses. Malgré la longue tradition, Andrée Deissenberg tenait à ce renouveau. Aujourd’hui, plus personne n’imagine un show du Crazy sans ses Entertainers, nous appartenons à cette grande famille. C’est une expérience extraordinaire de partager le quotidien des danseuses. Nous avons une relation de bienveillance et elles me considèrent un peu comme une grande sœur.

Comment avez-vous rencontré Georges Bangable ?

C’était il y a une dizaine d’années lorsque j’ai débuté dans les shows burlesques. Nous avions mis au point des numéros en duo qui nous ont permis de tourner partout en Europe. J’ai ensuite été contactée par le Crazy Horse qui recherchait une chanteuse pour interpréter « Striptease Moi » dans un show de Chantal Thomass. Une chanson écrite par Stéphane Lucas, alias Luminium, arrangée et produite par Léonard Lasry. Ce fut mon entrée au Crazy Horse. La chanson accompagne un show sexy où deux danseuses se livrent une chorégraphie érotico-chic sur ce fameux canapé en forme de bouche. Elle est désormais reprise sur la compilation du Crazy Horse. 

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Si vous deviez définir votre duo avec Georges Bangable ?

Nous sommes ultra glamours, chics et sophistiqués à l’ancienne. En bref, un gentleman et une diva qui ne se prennent pas la tête, nous ne sommes pas des stars de la Paramount. Avec notre look qui détonne, nous avons beaucoup d’autodérision, nous donnons le sourire aux gens et nous restons très accessibles.

Votre première apparition en duo au Crazy Horse a eu lieu le 31 décembre 2017.

Et la pression était énorme ! Cela s’est merveilleusement bien déroulé et nous avons été sollicités une nouvelle fois par Andrée Deissenberg pour faire un show similaire le 14 février 2018. Peu de temps après, elle me rappelait en me disant que nous allions devoir venir vivre à Paris, car elle désirait nous intégrer de façon permanente dans la nouvelle revue du Crazy. Nous avons alors entamé une phase d’essai de trois mois. Nous étions en représentation six jours sur sept et nous faisions deux shows tous les soirs en semaine et trois shows le samedi. C’est un investissement à temps plein, tu te lèves Crazy, tu manges Crazy, tu dors Crazy. D’ailleurs, selon moi, les danseuses du Crazy Horse sont des sportives de haut niveau. Après trois mois, nous avions déjà fait près de 370 shows ! Physiquement, je ne pensais pas être capable d’un tel effort. Cela fait trois ans que ça dure et c’est une immense fierté. 

Vous avez pourtant choisi de diminuer la cadence ?

Je mène en parallèle une carrière de chanteuse. Le fait d’avoir obtenu cette légitimité et d’être reconnue comme étant la diva boudoir et la chanteuse du Crazy, c’est une chance inouïe, mais cela devenait difficile à gérer artistiquement. Un artiste ne peut pas se nourrir exclusivement d’un lieu et d’un répertoire musical. J’avais donc besoin de prendre l’air. Je me suis mise à travailler sur mon album en diminuant le nombre de soirs au Crazy. Je suis passée de 5-6 soirs à 3-4 soirs par semaine jusqu’à la sortie de mon album en été 2019. Depuis, je suis toujours la diva boudoir du Crazy, mais de façon très sporadique, cela dépend d’une semaine à l’autre.

On imagine que c’est un vrai privilège d’obtenir une telle flexibilité de la part du Crazy Horse ?

Il y a vraiment une belle complicité entre cette maison et moi. Je fais partie de leurs artistes, j’interprète leurs chansons, mais il respecte aussi ma carrière personnelle. J’ai d’ailleurs eu la chance de pouvoir y présenter à la presse mon album «  Jamais assez ». J’aurai aussi le privilège d’y tourner le clip de ma chanson « Jamais assez », dont l’auteur est Elisa Point. Il s’agit d’un remix de Charles Schillings. Seul Beyoncé a eu le privilège de réaliser un clip au Crazy avant moi. Il sortira au mois de mars.

Votre plus belle rencontre au Crazy Horse ?

Il y en a eu tellement. Céline Dion, avec qui j’ai pu partager un vrai moment d’intimité et qui m’a donné des conseils. J’ai aussi adoré rencontrer Sting et son épouse, qui trouvaient ma voix fantastique, c’était un moment fabuleux.

Un magnifique portrait réalisé par Pierre et Gilles illustre la pochette de votre premier album. Racontez-nous votre rencontre avec ce célèbre couple d’artistes-plasticiens.

J’ai eu la chance de faire partie du début de leur vie sur les réseaux sociaux. Je likais leur travail et par la force des choses, ils m’ont repéré. Nous nous sommes envoyé des messages sur Instagram, avant de nous rencontrer dans une galerie d’art à Bruxelles où ils exposaient. De fil en aiguille, ils m’ont proposé de faire une image, que j’ai ensuite choisi d’utiliser pour mon album. C’est une vraie histoire d’amour avec eux, je les appelle mes tontons. Rencontrer des personnes aussi simples, généreuses et profondément gentilles, ce n’est pas fréquent dans le milieu du show-business.

Et vous avez même choisi de leur consacrer une chanson sur votre album.

C’était dans la lignée des choses. Dans la vie de tous les artistes, il y a des événements qui vous font franchir un palier. Il y a d’abord eu mon premier clip, réalisé par Ali Madhavi, un photographe et directeur artistique grandiose qui a bien voulu me photographier, mais surtout tourner le clip de ma chanson « Download » qui m’a permis de rencontrer mon producteur actuel, Léonard Lasry. Ensuite, il y a eu la réalisation exceptionnelle de cette photographie avec Pierre & Gilles. L’œuvre est aujourd’hui exposée dans les plus grandes galeries et les plus belles expositions du monde. Ces deux rencontres ont été cruciales pour ma carrière artistique.

Si vous deviez définir l’effeuillage burlesque ?

Le striptease de la révolution sexuelle est intégral, agressif et très charnel, tandis que son précurseur, le striptease burlesque, présente des femmes qui sont très loin de cette notion de femme-objet. Même si je n’ai rien contre le striptease et les stripteaseuse, bien au contraire, c’est plutôt la société qui voit ça d’un mauvais œil. Les effeuilleuses burlesque décident elles-mêmes ce qu’elles font de leur corps, il n’y a ni bourreau ni manipulation derrière. C’est comme dans ces fameuses comédies musicales d’après-guerre. Il s’agit d’une forme d’art où les femmes sont habillées très légèrement, il y a une vraie beauté, de l’érotisme, mais jamais de vulgarité. Mon burlesque à moi est d’ailleurs accessible aux enfants.

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Plus jeune, quel a été le regard de vos proches sur votre métier d’effeuilleuse burlesque ?

Ce n’est pas facile d’accepter un métier comme le mien, et encore moins de comprendre que c’est un art. Si on ne connaît pas l’effeuillage burlesque, on pense au striptease intégral et vulgaire. Que ce soit pour ma famille ou pour celle de mon mari, ça a été dur pour tout le monde. Ce n’est qu’après avoir vu un spectacle que les gens comprennent vraiment et cessent enfin de réduire cette activité à un simple striptease. Heureusement, depuis que je suis toute petite, j’ai une force et une assurance que peu de gens ont, je n’ai peur de rien ni de personne. Aujourd’hui, c’est devenu mon leitmotiv et j’essaie de transmettre cette confiance aux autres femmes. 


Peut-on parler d’un art revendicateur ?

Oui, puisque d’une certaine façon, ma seule présence au Crazy rappelle au public que la féminité peut avoir mille facettes. Ils sont face à une femme très proche de la réalité. Je suis très sophistiquée, mais les femmes s’identifient plus facilement à moi qu’aux danseuses. Quand elles viennent voir un show, elles savent qu’elles vont voir des filles sublimes. Et puis, il se passe quelque chose qu’elles n’avaient pas prévu. Il y a là une femme à laquelle elles peuvent s’identifier, dans le sens où cette femme, plutôt très pulpeuse et déshabillée, avec ses poignets d’amour et peut-être même de la cellulite, assume son corps et mène à la baguette un show de 250 personnes. Elles se disent alors, si elle y arrive, pourquoi pas nous ?

Si vous deviez définir la notion de bien-être ? 

Nous avons été formatées pour penser que le bien-être, c’est atteindre la perfection. Être la meilleure épouse, la meilleure maîtresse, la meilleure patronne, la meilleure employée… Le bien-être commence au contraire quand on accepte l’idée que l’on n’est pas la meilleure, mais que l’on essaie de faire de son mieux.

Vous dites : « Kim Kardashian, Rihanna ou Beyoncé sont les féministes aujourd’hui… »

Absolument. Avant, les féministes étaient des femmes d’esprit, des politiques, de grands auteurs. Qu’on le veuille ou non, désormais, les femmes qui ont la parole sont issues de la scène. Elles utilisent leur notoriété au profit du bien-être des autres femmes en s’assumant telles qu’elles sont. Au risque de provoquer, j’ajouterais aussi Nicki Minaj. Une femme qui a décidé de faire ce qu’elle avait envie de son corps et de sa tête.

C’est ce discours carré et précis sur base de vos convictions bien ancrées qui vous a amenée à devenir coach de bien-être pour les femmes ?

Le coaching est venu à moi via deux Namuroises qui voulaient organiser des workshops burlesques. Sachant que j’étais la seule effeuilleuse burlesque reconnue en Belgique, elles voulaient naturellement que ce soit moi qui enseigne l’art de s’effeuiller. Mais très vite, j’ai compris que je ne pourrais pas demander à des filles de se déshabiller dans un pays où le burlesque ne fait pas partie des mœurs culturelles. J’ai alors réalisé la complexité de mon futur travail. Il fallait tout reprendre depuis la base. Avant de leur apprendre à se déshabiller, je devais surtout leur apprendre à s’aimer elles-mêmes. Avec le temps, j’ai élaboré une vraie méthode de travail.

Que vous avez développée dans l’idée d’ouvrir une école de bien-être et de féminité ?

C’est le grand projet pour 2020. Il y aura des cours hebdomadaires de féminité, de glamour ou de confiance en soi où l’on apprendra le maintien, la démarche. Mais aussi des cours de yoga, des ateliers de cuisine et de peinture, et évidemment des journées complètes de relooking avec des séances photo. L’idée étant de décomplexer les femmes en les libérant de leurs tâches quotidiennes. J’inviterai aussi des artistes étrangères pour venir me suppléer dans les workshops de burlesque. Enfin, il y aura des conférences et des groupes de parole. Je me concentre énormément sur ce projet et je croise les doigts pour que cette première école de bien-être pour les femmes en Belgique puisse ouvrir ses portes à Namur en septembre prochain.

Pour conclure, où peut-on voir l’un de vos spectacles en Belgique ?

Cela fait dix ans que nous organisons quatre représentations par an — en duo avec George Bangable — à l’Archiduc, à Bruxelles. Nous assurons aussi chaque année la direction artistique de shows lors des festivals vintage au Heysel, comme le Retrorama, désormais appelé le Flashback. Ces événements attirent des milliers de personnes. Sinon, nous faisons naturellement aussi beaucoup d’événementiel privé.

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