1h22 avec Brecht Evens

Writer // Boris Rodesch - Photography // Sébastien Van de Walle

Brecht Evens est une figure importante de la bande dessinée contemporaine. Diplômé de la LUCA School of Arts de Gand, cet auteur et illustrateur flamand, fraîchement papa, s’est fait connaître avec Les Noceurs. Depuis, celui qui vit à Paris a publié plusieurs albums, dont le plus récent : Le Roi Méduse. S’il casse les codes de la BD en s’affranchissant des cases et des bulles, l’artiste au style inimitable, déjà exposé au centre Pompidou, dénote grâce à ses planches aux couleurs vives et éclatantes, sa maîtrise des transparences et son goût du détail.

Boris Rodesch a pris l’Eurostar avec Brecht Evens

Pour quelles raisons étais-tu de passage en Belgique ?

J’essaie de revenir tous les deux mois pour voir ma famille — qui vit à Hasselt — et pour le boulot. Ma galerie à Paris — Galerie Martel — vient aussi d’ouvrir Martel Bruxelles.

Paris, ça évoquait quoi pour toi gamin ?

J’avais en tête une image assez traditionnelle et festive. Adolescent, en discutant avec ma maman, je me projetais parfois dans cette idée d’un jour vivre à l’étranger, dans une grande ville « glamoureuse » comme Paris. Après, ça n’a jamais été un rêve ou même un vrai projet.

Très jeune, tu valorises déjà le temps de la lecture, en lisant dans le salon avec ton père et ta grande sœur, au son de Pink Floyd…

C’était un moment important. Je prenais un réel plaisir à aller à la bibliothèque pour choisir des livres. Je rentrais à la maison avec des trilogies sur le Moyen Âge ou des fictions historiques, que j’étais convaincu de pouvoir dévorer en un après-midi. C’était plutôt ambitieux.

Lisais-tu aussi des bandes dessinées ?

Toutes les grandes séries flamandes : Suske & Wiske (Bob & Bobette) et De avonturen van Urbanus (Les aventures d’Urbanus)… Cette dernière était underground et trash. Ils abordaient les sujets de façon très crue, comme si les adultes n’avaient pas vérifié le contenu. À l’adolescence, je me suis dirigé vers Calvin & Hobbes. Et puis, j’ai lu beaucoup moins de BD, aussi parce qu’en tant qu’étudiant dans une école d’art, j’ai développé un certain snobisme par rapport au visuel et au graphisme de la bande dessinée.

Quel genre d’enfant étais-tu ?

Plutôt « normal » à l’école primaire, mais c’est devenu plus difficile en secondaire. Sans que ce soit positif ou négatif, j’étais un peu bizarre. Et au moment de la puberté, j’avais du mal à être cool, notamment dans ma relation avec les garçons de mon âge.

Étais-tu déjà animé par le dessin ?

Comme beaucoup de dessinateurs, mes premiers souvenirs me ramènent au dessin. Je dessinais à l’école et je prenais des cours de dessin en dehors. Si je n’étais pas très populaire en classe, je m’épanouissais particulièrement dans ces cours, où j’avais plusieurs amies filles. J’étais doué et socialement, ça me faisait du bien, car contrairement à l’école, on ne me mettait pas dans une case.

Quel était ton rapport à l’écriture ?

J’ai très vite commencé à rédiger des fictions fantastiques. J’écrivais des histoires dans un style très diversifié. Et parfois même des chansons que j’enregistrais sur des cassettes audio. Je réalisais en plus des BD avec des personnages récurrents que je faisais chanter sur des airs populaires. J’avais imaginé un véritable empire.

Tes parents vous emmenaient-ils voir des expositions ?

Bien sûr, nous allions aussi souvent au Festival d’Avignon. Mais je trouvais qu’il y avait beaucoup de blabla dans le milieu de l’art. Et si grâce à mon éducation, j’avais une ouverture sur les arts au sens large, j’avais quand même encore des a priori sur les écoles d’art en commençant mes études à la LUCA School of Arts de Gand. Je me souviens qu’à cette époque, je pensais déjà être très doué en dessin. Mais dès ma première année, mes professeurs m’ont vite fait comprendre que je dessinais de façon très convenue et que je pouvais être beaucoup plus inventif.

La LUCA School of Arts de Gand… Un choix évident ?

Non, ça a été une vraie décision. Mes parents étant tous les deux enseignants, c’était important pour eux que j’étudie. En secondaire, j’avais toujours été en option math et sciences, peut-être aussi pour suivre mes potes dont la plupart se dirigeaient vers des études de médecine ou de bioingénieur. À contrario, les études en école d’art ne sont, a priori, pas des études avec lesquelles tu vas bien gagner ta vie. Mais peu importe, j’ai choisi d’y aller et j’ai réalisé, du même coup, un rêve totalement irréaliste auquel je n’avais jamais osé croire enfant. Même si peu à peu, à l’adolescence, je me projetais déjà dans des métiers du style graphiste, qui m’aurait permis de continuer à dessiner tout en ayant un « vrai » job. À 16 ans, je m’amusais à faire des logos avec mes initiales et j’avais créé mon site web pour montrer mes premières BD. Socialement, j’avais mon groupe de potes et je faisais la fête, mais j’étais déjà très minutieux et je publiais aussi des planches de BD sur un site qui existe encore aujourd’hui : Pulp Deluxe.

Dans le cadre de tes études, tu réaliseras ensuite les premières esquisses de ta BD Les Noceurs. Parue chez Actes Sud, en 2010, celle-ci rencontrera un vrai succès puisqu’elle sera traduite en sept langues.

J’avais déjà proposé une dizaine de planches pour mon travail de fin d’études, mais j’ai surtout énormément travaillé en sortant de l’école pour pouvoir terminer Les Noceurs. Beaucoup de gens pensent que c’est ma première BD, mais avant ça, j’avais déjà publié trois autres albums — uniquement en néerlandais — qui sont désormais introuvables.

(NDLR : Les Noceurs sera récompensée en 2011 du prix de l’Audace au Festival international de la Bande Dessinée d’Angoulême.)

Dans tes cinq albums les plus connus, Les Noceurs, Les Amateurs, Panthère, Les Rigoles, Idulfania ou Le Roi Méduse, quelle place offres-tu au noir et blanc ?

Le noir et blanc est légèrement plus présent dans Le Roi Méduse, mais ce n’est pas flagrant, aussi parce que certains thèmes, relativement troublants ou tristes, impactent davantage le lecteur s’ils sont en couleurs. Avec la couleur, nous ne sommes pas sur nos gardes, de sorte que le fait de ponctuer avec une planche en noir et blanc va avoir plus d’impact. C’est exactement ce que j’essaie de faire dans Le Roi Méduse. Le noir et blanc est aussi un bon choix quand on n’a pas besoin de distinguer plusieurs éléments sur une planche. Tandis que les couleurs permettent, elles, de créer des contrastes évidents, qui entraîneront des distinctions claires. In fine, j’utilise les couleurs pour composer des images plus complexes.

Panthère est sortie en librairie en 2014, peu de temps après que l’on te diagnostique un trouble bipolaire. Au regard de son scénario, ce n’est peut-être pas un hasard ?

Cet album est si troublant que ça peut être trompeur, mais c’est un pur hasard. En vérité, le trouble vient du fait que c’est une époque où j’ai pris beaucoup de drogues, notamment du MDMA. Au final, les 80 premières pages sont, selon moi, bien meilleures que les 40 dernières. Il y a d’ailleurs un an et demi entre la rédaction de ces deux parties. C’est aussi la seule fois que j’ai commencé à écrire un album sans en connaître la fin, de façon chronologique avec une grande part d’intuition. Je me suis fait confiance en osant y aller, mais c’était sans compter sur la dépression que j’allais traverser.

Y a-t-il une de tes BD où la part autobiographique est plus importante ?

Dans Les Rigoles, il y a une discussion entre Rodolphe et Jasmine où il évoque sa dépression et elle le console en lui disant qu’il est devenu plus aimable et plus doux. Ce dialogue est la première chose que j’ai écrite en sortant de ma dépression.

Et dans la foulée, tu choisiras de quitter la Belgique pour t’installer à Paris ?

Si je n’étais pas entré dans une phase maniaque, je n’aurais sans doute pas cassé mon bail à Gand et je ne me serais peut-être jamais installé à Paris, où je vis désormais depuis plus de dix ans. J’ai compris ça avec le recul, mais c’est clairement mon état euphorique qui m’a poussé à prendre cette décision radicale.

Trouves-tu une certaine forme d’exutoire dans la création ?

Ce serait extrême de dire que je n’y trouve aucune forme d’exutoire, mais disons que ce n’est, en tous cas, pas thérapeutique. En revanche, travailler sur un livre me donne l’impression d’être utile, comme si le fait d’écrire donnait un certain sens à ma vie. Lorsque j’écris, c’est un peu comme si je créais un jeu vidéo dans ma tête. Un jeu avec des idées infinies dont je suis le seul à définir les frontières.

Écrire, dessiner… Que préfères-tu dans tes activités ?

Que je sois en train d’écrire, de peindre ou de faire des croquis, ce que j’aime par-dessus tout, c’est le fait de générer des idées et de pouvoir ensuite les concrétiser sur papier.

Quelles sont justement les différentes étapes de ton processus de création ?

Ma façon de travailler a fort évolué. Depuis le premier tome de Le Roi Méduse, je passe énormément de temps à réorganiser mes textes. Je supprime et j’intervertis des blocs de texte en me demandant, pour chacun d’entre eux, s’ils ont leur place et ce qu’ils vont apporter au récit et au lecteur. Cela me prend énormément de temps et lorsque j’obtiens un résultat qui me convient, j’en discute encore avec mon éditeur. L’objectif étant de veiller à bien identifier les redondances pour les éliminer. J’évite également de toujours vouloir comprendre le propos du récit, car je risquerais de proposer une intrigue trop superficielle. Aussi parce que je suis conscient que les choses profondes viennent justement le plus souvent de ce que l’on ne comprend pas, ou plus difficilement. Au final, je suis occupé sur le deuxième tome de Le Roi Méduse depuis près d’un an et demi et je n’ai toujours pas terminé une seule planche…

Quels conseils donnerais-tu aux jeunes dessinateurs avant d’attaquer une BD ?

L’un des seuls conseils que je me permets de donner dans mes workshops, c’est d’éviter d’être monotone en dessinant des visages. On ne peut pas les traiter légèrement, car ils domineront inévitablement l’image et monopoliseront l’attention du lecteur. Si l’on choisit de les dessiner, ils doivent raconter quelque chose. Je conseille aussi de veiller à enlever les redondances pour faire de la place à d’autres détails. Il faut éviter les dessins remplis de détails qui ne racontent rien. Ensuite, il faut faire des choix avant de dessiner. À 20 ans, je n’aurais jamais imaginé que cette notion de « décision » puisse être si importante. Lorsque tu dessines une chaise par exemple, tu prends, consciemment ou inconsciemment, la décision de la dessiner d’une certaine manière. Et les redondances dans un dessin, c’est justement très souvent les choses que tu as dessinées de façon inconsciente. Il faut donc s’en séparer. D’où l’importance de réfléchir avant de dessiner. Et quand tu as décidé de passer à l’action, tu le fais avec un trait spontané et vivace tout en laissant encore une place à l’inattendu, afin que cette chaise puisse encore te surprendre.

Es-tu un boulimique de travail ?

Avant de me lancer dans les trois tomes de Le Roi Méduse, je passais des journées entières à regarder des séries et puis, vers 16 heures, je me disais qu’il était temps de m’y mettre pour sauver l’honneur de ma journée. Mais depuis deux-trois ans, c’est différent, je découvre une sorte de transe qui me pousse naturellement à travailler.

Un mot sur l’exposition en cours au Centre de la Gravure et de l’Image imprimée, à La Louvière : « Brecht Evens est pressé. 10 ans d’estampes » ?

J’ai été initié aux différentes techniques de gravure durant mes études et je m’y suis mis plus sérieusement il y a une dizaine d’années. La majorité des estampes présentées dans cette exposition ont été réalisées pour les trois tomes de Le Roi Méduse. Au total, j’ai réalisé près de 60 gravures, dont plusieurs sont exposées. Ils ont fait un travail magnifique, mais je dois bien avouer que je ne m’occupe pas vraiment de ça parce que je suis, à chaque fois, absorbé par ma prochaine BD.

Est-ce important pour un dessinateur et scénariste de BD de pouvoir exposer dans des galeries ou institutions ?

C’est important pour ma survie d’un point de vue purement financier. Je ne pourrais pas me permettre de passer cinq années sur une BD sans être représenté par une galerie. Mais je ne laisserai jamais mes choix narratifs être influencés par un esprit mercantile. En revanche, ce qui me plairait bien, ce serait de mettre en place une exposition, dans une galerie ou une institution, qui présente, outre mes planches originales et mes estampes, une série de dessins préparatoires et tout ce qui concerne davantage le « work in progress ». Pour Le Roi Méduse par exemple, j’ai accumulé des sacs poubelles remplis de brouillons et d’idées alternatives.

Nous arrivons à Paris. Avant de te raccompagner chez toi à Belleville, quelques mots, pour conclure, sur les différentes techniques utilisées pour réaliser tes planches originales et sur ta prédilection pour l’aquarelle ?

J’utilise la gravure sur bois et la lithographie, mais également les crayons de couleur, les feutres et les marqueurs craie. Concernant l’aquarelle, je préfère dire que je privilégie la peinture à l’eau — qui inclut plus largement l’encre couleur et la gouache — parce qu’elle me permet de peindre de façon précise et très concentrée, en utilisant un matériel qui ne peut pas être complètement maîtrisé et qui ne deviendra jamais stérile. Tout le charme de la peinture à l’eau étant aussi de pouvoir créer des effets de texture.

Brecht Evens is een belangrijke figuur in de hedendaagse stripwereld. Deze Vlaamse auteur en illustrator, afgestudeerd aan de LUCA School of Arts in Gent en kersverse vader, werd bekend met Ergens waar je niet wil zijn. Sindsdien heeft de in Parijs woonachtige auteur verschillende albums gepubliceerd, waarvan het meest recente De Bondgenoten is. Hij was al te zien in het Centre Pompidou en hoewel hij breekt met de codes van het stripverhaal door zich los te maken van kaders en tekstballonnen, valt de kunstenaar met zijn onnavolgbare stijl op door zijn levendige en heldere kleuren, zijn beheersing van transparantie en zijn oog voor detail.

Boris Rodesch nam samen met Brecht Evens de Eurostar.

Waarom was je in België?

Ik probeer elke twee maanden even terug te gaan om mijn familie te zien, die in Hasselt woont, en voor mijn werk. Mijn galerie in Parijs (Galerie Martel) heeft onlangs ook Martel Bruxelles geopend.

Wat betekende Parijs voor jou als kind?

Ik had een vrij traditioneel en vrolijk beeld in mijn hoofd. Als tiener fantaseerde ik tijdens gesprekken met mijn moeder er soms over om ooit in het buitenland te gaan wonen, in een grote, ‘glamoureuze’ stad als Parijs. Daarna is het nooit een droom of concreet plan geweest.

Al op jonge leeftijd hield je van lezen, als je in de woonkamer zat met je vader en je grote zus, luisterend naar Pink Floyd ...

Dat was altijd een belangrijk moment. Ik vond het echt leuk om naar de bibliotheek te gaan om boeken uit te zoeken. Ik kwam dan thuis met trilogieën over de middeleeuwen of historische romans, waarvan ik overtuigd was dat ik ze in één middag zou kunnen uitlezen. Dat was een beetje te ambitieus.

Las je ook stripverhalen?

Alle grote Vlaamse strips: Suske & Wiske en De avonturen van Urbanus ... Al was die laatste nogal underground en trashy. Ze brachten de onderwerpen heel direct ter sprake, alsof volwassenen de inhoud niet hadden gecontroleerd. Als tiener stapte ik over op Calvin & Hobbes. Daarna las ik veel minder stripboeken, ook omdat ik als student aan een kunstacademie een zekere snobistische houding had ontwikkeld ten opzichte van het visuele aspect en de grafische vormgeving van stripboeken.

Wat voor kind was je?

Op de basisschool vrij ‘normaal’, maar op de middelbare school werd het wat moeilijker. Ik was een beetje vreemd zonder dat dit positief of negatief was. En toen ik in de puberteit kwam, vond ik het moeilijk om cool te zijn, vooral in mijn omgang met jongens van mijn leeftijd.

Was je toen al geïnteresseerd in tekenen?

Zoals veel tekenaars gaan ook mijn eerste herinneringen terug naar het tekenen. Ik tekende op school en volgde na schooltijd tekenlessen. Hoewel ik niet erg populair was in de klas, bloeide ik helemaal op in deze lessen, waar ik verschillende vriendinnen had. Ik had talent en sociaal gezien deed het me goed, want in tegenstelling tot op school werd ik hier niet in een hokje geplaatst.

Wat was je relatie met schrijven?

Ik ben al heel jong begonnen met het schrijven van fantasieverhalen. Ik schreef verhalen in zeer uiteenlopende stijlen. En soms zelfs liedjes die ik op cassettebandjes had opgenomen. Ik maakte ook stripverhalen met terugkerende personages die ik liet zingen op bekende liedjes. Ik had een heel imperium bedacht.

Gingen je ouders met jullie naarr tentoonstellingen?

Natuurlijk, we gingen ook vaak naar het Festival van Avignon. Maar ik vond dat de kunstwereld te veel blabla was. En hoewel ik dankzij mijn opvoeding een brede kijk op kunst had, had ik toch nog vooroordelen over kunstacademies toen ik aan de LUCA School of Arts in Gent begon. Ik herinner me dat ik toen al dacht dat ik erg goed was in tekenen. Maar al in mijn eerste jaar maakten mijn docenten me snel duidelijk dat ik op een zeer conventionele manier tekende en dat ik veel inventiever kon zijn.

De LUCA School of Arts in Gent … Een logische keuze?

Nee, dat was een bewuste keuze. Omdat mijn ouders allebei leraar waren, vonden ze het belangrijk dat ik ging studeren. Op de middelbare school had ik altijd wiskunde en natuurwetenschappen als keuzevakken, misschien ook wel om mijn vrienden te volgen, die voor het merendeel geneeskunde of bio-ingenieurswetenschappen gingen studeren. Daarentegen zijn studies aan een kunstacademie a priori geen studies waarmee je goed je brood kunt verdienen. Maar dat maakte niet uit, ik besloot om ervoor te gaan en realiseerde me tegelijkertijd dat dit een totaal onrealistische droom was waar ik als kind nooit aan had durven denken. Hoewel ik als tiener wel al langzaam maar zeker mijn zinnen had gezet op een beroep als grafisch ontwerper, zodat ik kon blijven tekenen en tegelijkertijd toch een ‘echte’ baan had. Op mijn zestiende vond ik het leuk om logo’s te ontwerpen met mijn initialen en had ik mijn eigen website gemaakt waar ik mijn eerste stripverhalen liet zien. Sociaal gezien had ik mijn vriendengroep en ging ik uit, maar ik was toen al heel nauwkeurig en publiceerde ook stripverhalen op een website die nog steeds bestaat: Pulp Deluxe.

In het kader van je studie maak je vervolgens de eerste schetsen voor je strip Ergens waar je niet wil zijn. Het stripalbum verscheen in 2010 bij Actes Sud en werd een groot succes: het werd in zeven talen vertaald.

Ik had al een tiental platen voorgesteld voor mijn afstudeerproject, maar als ik thuis uit school kwam, werkte ik vooral heel hard aan het afmaken van Ergens waar je niet wil zijn. Veel mensen denken dat dit mijn eerste strip is, maar hiervoor had ik al drie andere albums gepubliceerd (alleen in het Nederlands) die nu niet meer verkrijgbaar zijn.

(NVDR: Ergens waar je niet wil zijn zou in 2011 bekroond worden met de Prix de l’Audace op het Internationale Stripfestival van Angoulême.)

Welke plek neemt het zwart-wit in je vijf meest bekende albums (Ergens waar je niet wil zijn, De Liefhebbers, Panter, Het Amusement, Idulfania of De Bondgenoten) in?

Het zwart en wit komt iets meer voor in De Bondgenoten, maar dat valt niet meteen op. Ook omdat bepaalde thema’s, die nogal verontrustend of triest zijn, meer indruk maken op de lezer als ze in kleur worden weergegeven. Met kleur zijn we niet op onze hoede, dus het gebruik van zwart-wit om iets te benadrukken heeft meer impact. Dat is precies wat ik probeer te doen in De Bondgenoten. Zwart-wit is ook een goede keuze wanneer je niet meerdere elementen op een plaat hoeft te onderscheiden. Dit in tegenstelling tot kleuren die het mogelijk maken om duidelijke contrasten te creëren, wat leidt tot duidelijke onderscheidingen. In fine, ik gebruik kleuren om complexere beelden te componeren.

Panter verscheen in 2014 in de boekhandel, kort nadat bij jou een bipolaire stoornis werd vastgesteld. Gezien de verhaallijn was dat misschien geen toeval?

Dit album is zo verontrustend dat het misleidend kan zijn, maar dat is puur toeval. De waarheid is dat de stoornis het gevolg was van het feit dat ik in die tijd veel drugs gebruikte, met name MDMA. Uiteindelijk vind ik de eerste 80 pagina’s veel beter dan de laatste 40. Er zat trouwens anderhalf jaar tussen het schrijven van deze twee delen. Het is ook de enige keer dat ik aan een album ben begonnen zonder het einde te kennen, in chronologische volgorde en grotendeels op intuïtie. Ik heb op mezelf vertrouwd en ben ervoor gegaan, maar ik had geen rekening gehouden met de depressie die ik zou krijgen.

Is er een strip van jou waarin het autobiografische element een grotere rol speelt?

In Het Amusement vindt er een gesprek plaats tussen Rodolphe en Jasmine waarin hij zijn depressie ter sprake brengt en zij hem troost door te zeggen dat hij aardiger en zachtaardiger is geworden. Deze dialoog is het eerste wat ik geschreven heb toen ik uit mijn depressie kwam.

En toen besloot je ook maar meteen om België te verlaten en je in Parijs te vestigen?

Als ik niet in een manische fase terecht was gekomen, had ik waarschijnlijk mijn huurcontract in Gent niet opgezegd en was ik misschien nooit in Parijs gaan wonen, waar ik nu al meer dan tien jaar woon. Achteraf gezien begrijp ik dat, maar het was duidelijk mijn euforische toestand die me tot deze radicale beslissing heeft gedreven.

Vind je een soort uitlaatklep in creativiteit?

Het zou overdreven zijn om te zeggen dat ik er geen enkele vorm van uitlaatklep in vind, maar laten we zeggen dat het in ieder geval niet therapeutisch is. Aan een boek werken geeft me daarentegen het gevoel dat ik nuttig ben, alsof het schrijven een bepaalde zin aan mijn leven geeft. Als ik schrijf, is het een beetje alsof ik een videogame in mijn hoofd creëer. Een spel met oneindig veel mogelijkheden, waarvan ik als enige de grenzen bepaal.

Schrijven, tekenen ... Wat vind je het leukste om te doen?

Of ik nu aan het schrijven, schilderen of schetsen ben, wat ik het allerliefste doe, is ideeën bedenken en die vervolgens op papier zetten.

Wat zijn precies de verschillende stappen in je creatieve proces?

Mijn manier van werken heeft zich sterk ontwikkeld. Sinds het eerste deel van De Bondgenoten besteed ik enorm veel tijd aan het ordenen van mijn teksten. Ik verwijder en verwissel tekstblokken en vraag me bij elk blok af of het op zijn plaats is en wat het toevoegt aan het verhaal en voor de lezer. Dit kost me enorm veel tijd en als ik een resultaat heb dat me bevalt, bespreek ik dat nog eens met mijn uitgever. Het doel is om redundanties te identificeren en weg te halen. Ik vermijd ook om altijd maar de betekenis van het verhaal te willen begrijpen, omdat ik dan het risico loop een te oppervlakkige plot te bedenken. Ook omdat ik me ervan bewust ben dat diepgaande dingen juist vaak voortkomen uit wat we niet of moeilijker begrijpen. Uiteindelijk ben ik al bijna anderhalf jaar bezig met het tweede deel van De Bondgenoten en heb ik nog steeds geen enkele plaat af ...

Welk advies zou je jonge tekenaars geven voordat ze aan een strip beginnen?

Een van de weinige tips die ik in mijn workshops durf te geven, is het voorkomen van eentonige gezichten. Hier mag niet te lichtvaardig over gedacht worden, want ze zullen onvermijdelijk het beeld domineren en de aandacht van de lezer opeisen. Als je ervoor kiest om een gezicht te tekenen, dan moet het iets vertellen. Ik raad ook aan om overtollige informatie te verwijderen, zodat er ruimte ontstaat voor andere details. Vermijd tekeningen vol nietszeggende details. Vervolgens moet je voordat je gaat tekenen keuzes maken. Op mijn twintigste had ik nooit gedacht dat het begrip ‘beslissen’ zo belangrijk zou zijn. Wanneer je bijvoorbeeld een stoel tekent, neem je bewust of onbewust de beslissing om deze op een bepaalde manier te tekenen. En redundanties in een tekening zijn vaak juist dingen die je onbewust hebt getekend. Daar moet je dus afstand van nemen. Daarom is het belangrijk om goed na te denken voordat je begint met tekenen. En wanneer je besluit om te beginnen, dan doe je dat met een spontane en levendige stijl, waarbij je ruimte laat voor het onverwachte, zodat deze stoel je nog steeds kan verrassen.

Ben je een workaholic?

Voordat ik aan de drie delen van De Bondgenoten begon, bracht ik hele dagen door met het kijken naar series en dan, rond 16 uur, zei ik tegen mezelf dat het tijd was om aan de slag te gaan om toch nog iets aan mijn dag gehad te hebben. Maar sinds twee of drie jaar is het anders, ik ervaar een soort trance die me op natuurlijke wijze aanzet tot werken.

Kun je iets vertellen over de lopende tentoonstelling in het Centre de la Gravure et de l’Image imprimée in La Louvière: Brecht Evens - Druk Druk Druk. 10 jaar prentkunst?

Ik heb tijdens mijn studie kennis gemaakt met verschillende graveertechnieken en ben er ongeveer tien jaar geleden serieuzer mee begonnen. De meeste prenten in deze tentoonstelling zijn gemaakt voor de drie delen van De Bondgenoten. In totaal heb ik bijna 60 gravures gemaakt, waarvan er verschillende tentoongesteld worden. Ze hebben fantastisch werk geleverd, maar ik moet toegeven dat ik me daar niet echt mee bezighoud, omdat ik elke keer weer helemaal in beslag word genomen door mijn volgende strip.

Is het belangrijk voor een striptekenaar en -schrijver om in galeries of instellingen te kunnen exposeren?

Puur financieel gezien is het belangrijk om te kunnen voorzien in mijn levensonderhoud. Ik zou het me niet kunnen veroorloven om vijf jaar aan een strip te werken zonder vertegenwoordigd te worden door een galerie. Maar ik zal mijn narratieve keuzes nooit laten beïnvloeden door commerciële overwegingen. Wat ik daarentegen wel leuk zou vinden, is een tentoonstelling organiseren in een galerie of een instelling, waar naast mijn originele platen en prenten ook een reeks voorbereidende tekeningen en alles wat meer te maken heeft met het ‘werk in uitvoering’ te zien is. Voor De Bondgenoten bijvoorbeeld heb ik vuilniszakken vol kladjes en alternatieve ideeën verzameld.

We komen aan in Parijs. Kun je, voordat ik met je mee naar huis ga in Belleville, tot slot nog even in het kort iets zeggen over de verschillende technieken die je hebt gebruikt voor je originele platen en over je voorliefde voor aquarel?

Ik gebruik houtgravure en lithografie, maar ook kleurpotloden, viltstiften en krijtstiften. Wat aquarel betreft, zeg ik liever dat ik de voorkeur geef aan schilderen met water, wat in bredere zin ook gekleurde inkt en waterverf omvat, omdat ik daarmee nauwkeurig en zeer geconcentreerd kan schilderen, met materiaal dat niet volledig te beheersen is en nooit steriel wordt. Het mooie van waterverf is dat je er ook textuureffecten mee kunt creëren.

BRECHT EVENS
www.brechtevens.com
Centre de la Gravure et de l’Image imprimée
Brecht Evens est pressé. 10 ans d’estampes.
Exposition en cours → 23.11.2025
www.centredelagravure.be