Galerie Nardone

Writer // Boris Rodesch - Photography // Michel Verpoorten

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Nous retrouvons Antonio Nardone dans l’une de ses deux galeries d’art — la galerie Nardone à Ixelles — à l’occasion du vernissage de l’artiste « multiste » CharlElie Couture. Et le moins que l’on puisse écrire, c’est que cet historien de l’art, galeriste et curateur déborde d’énergie et de projets variés, qui visent à promouvoir et à soutenir les artistes émergents.

Pourriez-vous décrire brièvement votre parcours ?

J’ai fait, en parallèle, des études d’arts plastiques à l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles et d’histoire de l’art à l’ULB. J’ai donc une double formation de praticien et de théoricien. Très vite, j’ai eu la chance de travailler pour les Musées royaux d’Art et d’Histoire dans le département chinois, puisque j’avais suivi des cours de peinture pendant un an à l’académie des Beaux-Arts de Beijing, en Chine. J’ai organisé une première exposition — « Lotus d’or, peintures érotiques chinoises » — en tant que curateur au Musée du Cinquantenaire, en 1993. Elle a rencontré un succès dantesque et le directeur du musée m’a demandé de monter une deuxième exposition — à la Porte de Halle, à Bruxelles — sur les pop-up du 17e siècle à nos jours. Depuis, mon métier principal d’historien de l’art est plutôt un métier de curateur et d’organisateur d’expositions. J’ai réalisé 43 expositions pour des musées et des institutions.

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Ce qui ne vous empêche pas d’ouvrir la galerie Nardone à Bruxelles, en 2008 ?

En travaillant comme curateur, j’ai réalisé que les musées et les institutions ne travaillaient qu’avec des artistes reconnus internationalement. De mon côté, j’avais envie de m’intéresser au travail des artistes émergents. Bien décidé à combler ce manque, j’ai ouvert ma galerie. L’idée était d’y présenter des artistes tout en gardant mon activité de curateur auprès des musées. J’ai organisé ma première exposition — « Wunderkammer » — comme indépendant au Botanique. Mais très vite, le métier de galeriste a pris le dessus sur cette activité. Il fallait aussi que j’élargisse mes contacts puisqu’à l’époque, je n’avais travaillé qu’avec des institutions et des sponsors. De curateur, je devenais en quelque sorte commerçant. Cet aspect du métier de galeriste que je trouve très intéressant, je ne le connaissais pas. Aller chez les clients, discuter avec eux, installer l’œuvre sur leur mur et faire des choix d’investissement, c’est un tout autre boulot et c’est passionnant. En parallèle, j’ai décidé que j’organiserais dorénavant des expositions dans lesquelles je pourrais intégrer des artistes contemporains. Ce fut le cas avec « Wunderkammer », présentée au Botanique et à Venise, mais aussi avec « I Belgi Barbari e Poeti », à l’espace Vanderborght et au Macro de Rome. Entre 2012 et 2017, j’ai aussi dirigé une foire d’art à Bruxelles — la « OFF » — qui visait à présenter des artistes émergents, voire des artistes qui venaient de sortir de l’école.

Et en janvier 2020, vous décidez d’ouvrir une deuxième galerie, à La Louvière ?

Oui, en respectant ma logique qui veut que je sois là où l’on ne m’attend pas. Cela prend tout son sens du point de vue de l’histoire de l’art, puisque La Louvière est le berceau du surréalisme intellectuel et poétique en Belgique. Mais très vite, le coronavirus est apparu. Du jour au lendemain, les projets artistiques ont été annulés et mes artistes se sont retrouvés sans la moindre perspective. Ils continuaient à bosser, mais ils ne savaient pas pourquoi. J’ai alors eu envie de leur proposer un projet muséal à Venise. J’ai repris contact avec des collègues sur place qui m’avaient aidé à obtenir le Palazzo Widmann pour l’expo « Wunderkammer », et ils m’ont proposé un magnifique espace, la Chiesetta della Misericordia, habituellement occupé par les biennales. Nous avons fixé une date en octobre, avant de devoir la postposer en juin en raison des interdits sanitaires. Pour trouver le concept de ce nouveau projet, j’ai choisi d’extrapoler ce thème autour d’un jeu inventé par les surréalistes en 1935. En bref, le jeu consistait à plier une feuille sur laquelle chacun écrivait un mot, un verbe, un complément, ou un sujet. Quand la feuille a été dépliée, il y était écrit : « Le cadavre exquis boira le vin nouveau ». C’est la première phrase de ce jeu, qu’ils ont décidé d’appeler « Cadavre exquis ». Sachant que mes artistes ont tous un univers très différent, le fait de réunir leurs œuvres dans un lieu s’apparente à ce jeu. J’ai ensuite contacté des artistes de renommée internationale et des collectionneurs pour obtenir des œuvres d’Anish Kapoor, Berlinde De Bruyckere, Wim Delvoye ou Pierre Alechinsky. Au final, l’exposition réunit une vingtaine d’artistes belges, mais aussi américains, japonais et coréens. Le résultat est une exposition muséale très mélangée, à la façon d’un cadavre exquis. Toujours dans le but d’offrir de la visibilité à mes artistes, je viens aussi de lancer une campagne d’affichage dans Bruxelles, où des œuvres de six artistes s’affichent sur une soixantaine de panneaux publicitaires de 16 et 20 mètres carrés.

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Organiser une telle exposition est un vrai challenge ?

C’est clair, sans le moindre sponsor, j’ai lancé un crowdfunding, et à ce jour, j’ai déjà obtenu 90 % du montant nécessaire, grâce à une série de gens qui tiennent à aider les artistes dans cette période particulière. Au-delà de réunir les fonds, tout est aussi particulièrement compliqué à Venise en raison de ce qu’on appelle « Il tempo Veneziano », le temps de Venise. En effet, tout ce qui nous paraît simple ici est compliqué là-bas. Mais c’est aussi la magie de Venise, et les gens qui auront la chance de venir découvrir l’exposition au printemps pourront visiter Venise dans des conditions uniques. C’est un projet audacieux, dirigé vers les artistes. Même un grand monsieur comme Pierre Alechinsky était ravi d’exposer à Venise. C’est l’occasion de montrer leur boulot et on ne va pas se mentir, pour mes artistes, se retrouver dans une exposition à côté de tels artistes de renom, c’est très stimulant. Il ne reste plus qu’à croiser les doigts pour que nous puissions rejoindre Venise, ouvrir l’exposition et se perdre dans les ruelles de la sérénissime.

Rendez-vous sur le site www.galerienardone.be pour soutenir l’exposition « Cadavre exquis » à Venise.

Cadavre Exquis - Venise. Du 25 juin au 16 juillet 2021.

Galerie Nardone
Bruxelles
27-29, rue Saint-Georges
1050 Bruxelles
www.galerienardone.be

Galerie Nardone
La Louvière
26, rue Kéramis
7100 La Louvière
insta : galerienardone