Dans l’ombre du Team Belgium

Writer // Boris Rodesch 

Photography // Jean-Jacques De Neyer

Nous avons rencontré Pierre-Olivier Beckers au siège du Comité olympique et interfédéral belge. Celui qui fut le CEO du groupe Delhaize entre 1999 et 2013 terminera son dernier mandat à la présidence du COIB après les Jeux olympiques de Tokyo.


Si vous deviez décrire brièvement votre parcours pour arriver à la tête du COIB ?

Le lien avec l’olympisme, c’est 1972 et les Jeux olympiques de Munich. J’ai douze ans, je regarde les jeux à la télévision et je suis fasciné pour plusieurs raisons. Il y a les performances de Marc Spitz qui me sidèrent, mais aussi un drame humain et politique qui m’interpelle. Au lendemain de ces jeux, je m’inscris dans un club de natation et je vais nager jusqu’à 10 fois par semaine. La vie continue et je débute ma carrière professionnelle chez Delhaize. En 2002, je suis CEO (Delhaize était déjà sponsor du COIB depuis 1995) et le COIB me contacte pour savoir si je serais intéressé de reprendre la place de John Goossens, qui venait de décéder. Il était le patron de Belgacom, qui était sponsor du COIB, et il y avait un représentant des sponsors à la table du conseil d’administration du COIB. Ce jour-là, mes yeux ont brillé, j’avais l’opportunité de reconnecter avec ce monde de l’olympisme. La magie de l’olympisme ne m’avait jamais quitté. J’ai donc rejoint le conseil d’administration du COIB en 2002 en tant qu’administrateur délégué du groupe Delhaize, et j’ai pu commencer à m’intéresser au rôle du comité, son lien avec les athlètes et les différentes communautés, mais aussi les difficultés rencontrées. Et puis, en 2004, le président François Narmon atteint l’âge limite de 70 ans, sachant que le COIB avait à l’époque une ligne de mandat basée sur l’âge ; il devait se retirer et on m’a demandé si je voulais être candidat à la présidence. J’ai accepté et je suis passé par une élection puisque nous étions deux candidats. C’était du sérieux, débat, campagne, je ne m’y attendais pas. The rest is history. J’ai été élu en 2004 et je terminerai mon quatrième et ultime mandat le 10 septembre prochain. Dans un esprit de bonne gouvernance, j’ai en effet choisi de mettre une limite au nombre de mandats en me disant qu’au bout de 17 ans, il était nécessaire d’amener du sang neuf.

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Désormais, vous décomptez les jours avec un pincement au cœur ?     

Je suis tout à fait serein par rapport à cette échéance. J’espère avoir contribué à un certain nombre de choses, même si j’ai appris dans ma carrière professionnelle qu’on ne commence et qu’on ne termine jamais quelque chose quand on fait partie d’une organisation. Disons que l’on prend la balle à un moment, qu’on la transporte pendant un certain temps et qu’on essaie de la transmettre à son successeur dans de bonnes conditions. Ce que j’ai particulièrement apprécié en travaillant pour l’olympisme, c’est le fait que la performance sportive n’est pas un but en soi, mais plutôt un moyen de délivrer d’autres objectifs qui sont pour nous, très clairement, de rendre le monde meilleur par le sport. On donne l’exemple d’athlètes d’élite qui se serrent les coudes et qui font preuve de solidarité, de respect et d’amitié. C’est ce rayonnement-là qu’on essaie de disséminer dans tous les pays à travers le mouvement olympique. Cette philosophie de vie définit la charte olympique. Certains trouveront ça naïf ou dépassé, mais moi j’y crois. Et surtout, je dirais que suite à la crise sanitaire que l’on vient de traverser, les jeunes sont en perte de repères et de valeurs, et la crainte de l’autre n’a cessé de se développer. Le rôle de l’olympisme est aujourd’hui de contribuer à cette sortie de crise et de recréer un esprit de solidarité dans le monde. Les Nations Unies l’ont d’ailleurs précisé, le sport sera un élément essentiel pour reconstruire le monde d’après.


Très vite, vous avez insisté sur le caractère indispensable de la tenue des Jeux olympiques ?

Je n’ai jamais douté du caractère indispensable de tenir ces jeux. Est-ce que j’ai douté un moment donné qu’ils aient lieu ? C’est vrai qu’au début de la deuxième vague qui a surpris le monde entier, on a tous été anxieux. Par contre, au moment de la troisième vague, c’est paradoxal, mais il n’y a plus eu d’hésitations. Tout était en place et même si la presse a semé le doute, au niveau du COIB et du Comité olympique international, la seule question n’était plus de se demander si les jeux allaient pouvoir être organisés, mais plutôt comment. Finalement, beaucoup de restrictions sont imposées aux fans du monde entier qui ne pourront pas y participer, mais aussi à la famille olympique, à commencer par les athlètes qui vont vivre des contraintes très fortes. Mais les compétitions se tiendront avec le même esprit, et les gens qui les suivront verront des jeux comme auparavant.


Estimez-vous avoir atteint vos objectifs fixés en 2004 ?

Oui, ça fait peut-être arrogant ou orgueilleux de le dire, mais je m’étais fixé trois objectifs. Le premier, c’était de ramener un sport d’équipe aux jeux. Nous n’étions plus parvenus à qualifier une équipe belge depuis 1976, et je trouvais ça inconcevable. Dès 2008, on a pu le réaliser avec le football et le hockey sur gazon masculin. Avec succès, puisque depuis, il y a toujours eu au moins une équipe belge aux jeux. Et en 2021, nous suivrons les performances de nos deux équipes de hockey sur gazon, mais aussi celles de notre équipe féminine de basketball. Ma seconde volonté était de recréer un dialogue entre les différentes communautés du pays et le COIB. Lorsque j’ai commencé, chacun se regardait en chiens de faïence et le COIB était perçu comme étant dans sa tour d’ivoire. Il n’y avait aucune réunion entre les trois ministres et encore moins avec le COIB. C’était très compliqué de créer un esprit « sport de haut niveau ». Les connaisseurs et les observateurs du sport critiquaient la Belgique à juste titre en disant qu’il n’y avait aucune culture d‘élites sportives. Certains athlètes émergeaient par leur force mentale et physique, ils étaient soutenus soit par une communauté, ou par leur fédération qui recevait éventuellement du support du COIB, mais tout se faisait au cas par cas, sans aucune coordination. Désormais, les communautés et le COIB collaborent au travers du groupe que l’on appelle ABCD. Aussi, depuis 2009, les trois ministres et le président du COIB se réunissent trois fois par an pour discuter d’une politique d’harmonisation. Enfin, le troisième objectif était d’amener plus de jeunes aux jeux. Chose que nous avons aussi réussie grâce à l’introduction du programme BEGOLD en 2005, qui rencontre un franc succès, puisqu’aux derniers jeux de Rio, 65 % de nos athlètes étaient issus de ce programme.


Pour conclure, quels sont les objectifs du Team Belgium à Tokyo en termes de médailles ?

Notre délégation comptera 122 athlètes et notre objectif est de remporter au moins une médaille de plus qu’aux jeux de Rio, où nous en avions glané six. Mais le vrai objectif du COIB, c’est de pouvoir amener nos athlètes dans le top 8. Nous avions eu 19 places de top 8 à Rio, nous en visons 21 à Tokyo. 

Pierre-Olivier Beckers
Président du COIB
www.teambelgium.be