1h22 avec Benoît Mariage

Writer // Boris Rodesch

Photography // Sébastien Van de Walle

Nous retrouvons le réalisateur et scénariste belge Benoît Mariage, peu de temps après la sortie de son cinquième long métrage « Habib, la grande aventure ». Entre la désillusion du titre perdu par l’Union saint-gilloise et « l’affaire Thibaut Courtois » qui a éclaboussé le dernier rassemblement des Diables rouges, nous comprenons que dans ses veines coule aussi le football… mais pour l’heure, place au cinéma.

Boris Rodesch a pris le Thalys avec Benoît Mariage.

Tu viens souvent à Paris ?

Essentiellement pour des raisons professionnelles, pour la postproduction, pour prendre contact avec les distributeurs ou pour venir voir mon producteur qui habite à Paris.

As-tu une certaine reconnaissance dans le milieu du cinéma en France ?

Oui, je suis même étonné. Je ne suis pas un incontournable, mais pour les gens qui s’intéressent au cinéma, Mariage, cinéaste belge, « Les Convoyeurs attendent » et 2-3 autres films, ils connaissent.

Si tu devais définir ton enfance ?

Je suis né en Gaume à Izel-sur-Semois, dans une famille de 4 enfants. Ma mère m’a mis chez une gardienne, une vieille dame du village, Josée, qui est devenue ma seconde maman. Je suis nostalgique du terroir gaumais. Mon enfance, c’était la vie campagnarde, le côté rural, les plaisirs simples, la pêche, les baignades dans la Semois et les balades à vélo… Le plaisir que j’ai toujours en roulant à vélo est pour moi une madeleine de Proust. Je me souviens d’Eddy Merckx, des retransmissions du Tour de France ou encore du feuilleton « L’Homme du Picardie », que tout le monde regardait à la télévision en soirée. Je me sens davantage du 20e siècle que du 21e siècle. Le numérique, l’informatique, j’ai du mal avec tout ça…

Quel était ton rapport au cinéma ?

J’ai d’abord découvert la photographie. Mon père m’avait offert son appareil photo quand j’avais 12-13 ans. J’attendais avec impatience la fin des vacances pour découvrir mes photos. Je les développais à l’ancienne, dans le noir avec des bacs de révélateur. La première fois que j’ai vu les images se révéler, j’ai directement senti que ma vie aurait un lien avec ça. Je suis venu au cinéma grâce à la photographie parce qu’au départ, je voulais être photographe.

Le plus beau cadeau que tu as reçu gamin ?

Une boîte de Subbuteo (ndlr : le jeu culte de football de table) que mon oncle m’avait offert. Si j’avais passé autant de temps à lire qu’à jouer au Subbuteo, je serais certainement plus cultivé aujourd’hui (rires).

Après tes humanités, tu obtiens ton diplôme de droit alors que tu travaillais déjà en parallèle comme journaliste dans la presse locale.

Pour mon père, qui était notaire, il était hors de question que son fils entreprenne des études de photographie. Il m’avait aussi présenté des gens assez intelligents pour me dire : « Avec ce diplôme, tu pourras toujours devenir journaliste ». J’ai donc joué la carte sécuritaire. Et après cinq ans d’études, j’ai donné mon diplôme à mon père en lui disant : « Maintenant, je veux faire du cinéma ». J’hésitais avec le journalisme, que je pratiquais déjà avec mon ami Éric Boever, dont le père était journaliste au quotidien Vers l’Avenir. Je rédigeais des comptes rendus pour le football provincial. Nous étions à la rédaction le dimanche et je téléphonais dans les clubs pour obtenir les réactions d’après matchs. Je discutais avec des gens bourrés à la buvette qui racontaient n’importe quoi… J’écrivais plutôt bien, mais comme je prenais aussi de bonnes photos, ils m’ont offert une place de photographe, où je couvrais aussi bien les faits divers que le sport. À l’époque, on ne profitait pas de l’immédiateté du numérique, il fallait récupérer les bobines, les développer… Le numérique a vraiment transformé ce métier. Tout ce que j’ai vécu à Vers l’Avenir a été une suite d’événements tellement incongrus, on assistait à des événements sportifs, à des reconstitutions de crimes, on allait interviewer des artistes ou des politiques, ça a été un patrimoine d’émotions et de rencontres exceptionnel, duquel je me suis fortement inspiré pour écrire le scénario de « Les Convoyeurs attendent ». Ce sont des histoires que tu ne peux pas inventer si tu écris dans ton bureau, c’est une réalité inimaginable. J’ai recyclé plusieurs anecdotes personnelles, je devrais presque reverser des droits d’auteur à Vers l’Avenir pour toute l’inspiration (rires).

Te souviens-tu du jour où tu t’es dit pour la première fois : « Un jour, je deviendrai cinéaste » ?

Pas vraiment, j’étais surtout animé par la photo de presse, la street photographie. Mais puisque je pratiquais déjà le métier, j‘ai préféré enchainer le droit avec des études de chef opérateur et caméraman, conscient que ça me permettrait de faire ensuite de la photo ou des films documentaires. Les études étaient aussi moins longues que pour la réalisation et même si j’avais déjà envie de réaliser, je trouvais ça cohérent d’apprendre l’outil caméra. Je me suis alors inscrit à l’INSAS où je me suis très vite senti dans mon élément.

Vient ensuite ta contribution à l’émission culte de la RTBF « Strip-Tease » ?

J’avais proposé à mon professeur de l’INSAS, Roger Beeckmans, l’un des grands caméramen de reportage de la RTBF, un sujet de fin d’études sur un carmel où j’allais chercher des œufs quand j’étais gamin. Et justement, Jean Libon, l’un des fondateurs de « Strip-Tease », voulait réaliser un sujet sur les ordres contemplatifs. Roger Beeckmans m’a alors convaincu de leur proposer le sujet. J’ai été leur cheval de Troie, ils m’ont mis la meilleure équipe à disposition et j’ai pu réaliser le film qui a eu un vrai retentissement. J’étais lancé, j’ai enchainé plusieurs sujets pour eux, mais c’était compliqué de bien gagner sa vie. J’ai continué jusqu’à la sortie du sujet « À fond la caisse », où un vrai problème moral s’est posé, sachant que je n’avais aucune empathie pour le père tyrannique que je filmais. Soit je lui faisais comprendre qu’il agissait mal et on arrêtait de tourner, soit je me retenais pour préserver la pérennité du tournage. Cette ambiguïté me mettait trop mal à l’aise et j’ai préféré arrêter de collaborer avec « Strip-Tease ». Comme quoi, le transfert parental devait être un sujet qui me touchait très fort, puisque j’en ai fait le sujet central de mon premier long métrage de fiction, « Les Convoyeurs attendent », qui est presque un copié-collé de la thématique de l’endoctrinement au cœur du reportage « À fond la caisse ».

J’ai adoré l’impertinence des producteurs de « Strip-Tease ». À 25 ans, travailler pour cette émission cultissime, c’était le Graal. On tournait en pellicule, c’était vraiment du cinéma documentaire. C’était en plus une excellente école pour la fiction, car quand tu travailles en documentaire, tu as une capacité à rebondir beaucoup plus facilement, sachant que les imprévus sont un facteur journalier. Selon moi, les réalisateurs qui ont fait des documentaires ont cette capacité à réévaluer la réalité pour pouvoir sans cesse la réorienter.

Quels sont tes premiers souvenirs de cinéma ?

Le film qui m’a scotché et qui m’a donné l’envie de passer du documentaire à la fiction, c’est « Le Temps des gitans » d’Emir Kusturica. Parmi les grosses claques, il y a aussi eu « Elephant Man », « Breaking the Waves », ou encore les films de la nouvelle vague tchécoslovaque de Milos Forman, « Les Amours d’une blonde » et « Au feu, les pompiers ! ». Des comédies absurdes et ironiques qui sont aussi des films sociaux.

Si l’on regarde ta page Wikipédia, on apprend que tu as joué un petit rôle dans « C’est arrivé près de chez vous » ?

Lorsque je bossais à Vers l’Avenir, sachant qu’il fallait un ancrage namurois, j’avais proposé au rédacteur en chef un sujet sur ces jeunes réalisateurs namurois qui réalisaient un film avec des bouts de chandelle. Je connaissais déjà un peu Ben (ndlr : Benoît Poelvoorde), car on écumait ensemble les festivals de court métrage à Namur. Le rédacteur en chef m’avait répondu : « Écoute Mariage, je ne te paie pas pour aller voir tes copains s’amuser ». J’ai insisté et nous avons pu prendre quelques photos sur le tournage. Photos que le journal a ensuite revendues au monde entier. Et comme j’avais mon matériel photo, l’équipe du film m’a demandé si j’étais d’accord de faire de la figuration pour la scène à la sortie du Palais de Justice. Au final, on me voit deux secondes de dos, mon nom apparait dans le générique et les gens pensent que j’ai été acteur dans le film. C’est Wikipédia et son amplification, ça pose une vraie question sur la vérification des sources.

Ta carrière de réalisateur de fictions débute en 1997 avec la sortie de ton premier court métrage « Le Signaleur » ?

À l’époque, j’avais déjà commencé à écrire le scénario de « Les Convoyeurs » et je l’avais proposé à mon producteur, Dominique Janne — qui avait produit « Le Roi danse ». Il était enthousiaste, mais il pensait que ça ne passerait pas à la commission parce que je n’avais encore jamais réalisé de fiction. J’ai donc écrit le scénario de « Le Signaleur » en une journée. C’était une nouvelle fois une vision que j’avais eue en travaillant à Vers l’Avenir. En suivant les courses cyclistes, j’avais vu ce vieux monsieur barrer la course au milieu de nulle part, très heureux de retrouver une résurrection sociale. Il y avait une tension entre l’absurdité de la tâche et une sorte de valorisation de la fonction. Le film était presque fait. Nous sommes partis à Cannes où nous avons gagné le prix de la Semaine de la Critique. Ce premier court métrage en noir et blanc a clairement encouragé la commission à accepter « Les Convoyeurs », aussi en noir et blanc. Pour l’anecdote, le casting de « Le Signaleur » réunissait quand même Bouli Lanners, Benoît Poelvoorde, qui avait déjà joué dans « C’est arrivé près de chez vous », et Olivier Gourmet qui, lui, avait déjà joué dans « La Promesse » des Frères Dardenne… Un casting plutôt sympa !

Choisir ton ami Benoît Poelvoorde pour interpréter le rôle de Roger Closset dans « Les Convoyeurs attendent », c’était une suite logique ?

Oui, et il l’a joué de façon exceptionnelle. Il s’est inspiré de son père. Le soir de la première, il avait couru vers sa mère. Son papa était décédé et il avait envie d’entendre sa mère lui dire : « C’est papa ». Elle lui a dit qu’elle s’était reconnue dans le rôle de la maman, ce qui revenait exactement au même. Il a mis beaucoup de sa personne dans ce rôle. Nous avions évoqué ensemble son personnage avant le tournage et il m’avait dit, « Roger Closset, c’est le mec, quand il va faire ses courses dans une supérette, il n’enlève pas son casque de mobylette ». Sur un détail, nous avions le personnage.

Benoît Poelvoorde, Olivier Gourmet, Bouli Lanners ou François Damiens pour ne citer qu’eux… Quel est ton maître mot dans la direction des acteurs ?

La question du choix des acteurs est primordiale, mais il faut d’abord se diriger soi-même. Ensuite, il faut préserver leur confiance et surtout, ne pas être trop directif. Comme je le souligne souvent auprès de mes élèves à l’IAD, il ne faut pas légitimer son rôle de réalisateur en bombardant les acteurs d’informations. Il vaut mieux les observer jouer et puis seulement distiller l’une ou l’autre information. Parce qu’au final, ils ont réfléchi à leurs scènes beaucoup plus que le réalisateur. C’est eux qui jouent leur peau, c’est eux qui ont leur tête face à la caméra. Et si tu les diriges avant qu’ils ne puissent te proposer ce à quoi ils ont pensé, tu te prives de leur plus-value. Si tu les as bien choisis, il n’y a jamais de problèmes. Dans le cas contraire, ça devient parfois plus douloureux.

Qu’est-ce qui t’anime le plus dans la réalisation d’un film ?

Le problème, c’est que quand j’écris et que je vis comme un moine, j’ai envie d’être sur le plateau, et inversement, quand je suis sur le plateau et qu’on me sollicite dans tous les sens, ma vie de moine me manque. C’est toute la dualité de ce métier, entre la vie de moine et celle du chef d’entreprise. En phase d’écriture, j’éprouve parfois une joie profonde parce que c’est à ce moment précis que je crée une scène, mais en contrepartie, l’écriture peut aussi vite devenir dépressive. Si rien ne vient pendant une semaine ou deux, je me demande ce que je fais seul dans mon bureau 8 heures par jour et j’ai l’impression de rater ma vie.

Tu évoques souvent l’importance de se trouver des interlocuteurs, est-ce dans ces moments de solitude que tu vas les chercher ?

Ce ne sont pas eux qui vont suppléer à ton absence de créativité. Ils interviennent lorsque tu as déjà créé et que tu cherches à voir si ça fonctionne, parce que tu peux parfois te méprendre sur la valeur d’une création, et particulièrement en comédie où le risque que ce soit ridicule est réel. C’est la longueur du processus qui est difficile. Quand tu revois 80 fois une vanne écrite trois ans auparavant, ce n’est pas évident de rester confiant. J’aime surtout échanger avec des interlocuteurs autour de la thématique avant d’écrire. Cela évite de se lancer trop vite sur une idée sans l’avoir débattue de tous les côtés. Je pense, en effet, qu’un bon scénario s’écrit bien avant la première ligne.

À quel moment considères-tu qu’une idée soit suffisamment porteuse de sens pour en faire un film ?

C’est une conviction et une foi liées à l’intuition de pouvoir se dire : « Je tiens un sujet ». Il faut aussi et surtout être convaincu que ce sujet est suffisamment fort pour t’intéresser pendant plusieurs années.

Si tu devais définir ton cinéma ?

C’est le rôle des journalistes. Mais si on évoque un certain héritage des comédies italiennes, qui mélangeaient l’amer et le doux avec une forme de gravité et d’ironie, ça me plaît.

Tu enseignes à l’IAD. La transmission, c’est important ?

Oui, et aussi le partage, car la transmission est un peu unilatérale. À 62 ans, je suis issu d’un patriarcat traditionnel. Mes élèves pensent différemment, ils sont confrontés à des enjeux auxquels nous n’étions pas confrontés quand on avait 25 ans. Il en résulte une vraie source d’intérêt pour moi d’essayer de comprendre leurs enjeux, leurs modes de vie, leurs revendications, les notions de genres, le wokisme... Pouvoir échanger avec eux, c’est un cadeau. Loin de ce rapport unilatéral de maître à élève, c’est davantage une sorte de partage d’expérience à la façon du compagnonnage.

C’est aussi une manière d’accumuler de l’expérience et de réapprendre ton métier quotidiennement ?

Exactement, puisque quand ça ne fonctionne pas, ils se tournent vers moi pour que je leur apporte des éléments de solutions. Cela m’oblige à être très attentif. Pour chacune de leurs scènes, j’essaie de comprendre ce qui fonctionne ou non, ça me permet aussi d’aiguiser ma lame. Si l’on revient à la direction des acteurs, j’essaie de leur apprendre à ne pas les encombrer intellectuellement. Quand un acteur doit jouer une scène de deux minutes, mieux vaut lui faire rejouer la scène 10 fois que de lui parler 20 minutes. Ce sont des choses que j’ai apprises avec l’expérience. Après, mes élèves sont déjà en 4e année, ils sont brillants et très motivés.

Certains d’entre eux sont-ils sortis du lot ?

Beaucoup. Joachim Lafosse, Emmanuel Marre, François Pirot, Raphaël Balboni, ce sont tous des réalisateurs émergents. Mais je ne voudrais pas que tu me fasses dire que je suis dépositaire de leur talent. C’est juste chouette de pouvoir désormais les avoir comme collègues.

Si tu devais choisir une personnalité avec laquelle être coincée dans le Thalys ?

J’ai justement souvent rêvé d’y croiser Christian Bobin. C’est mon auteur préféré. En littérature, c’est une rencontre exceptionnelle, fondatrice à plusieurs niveaux. J’aurais aussi pu dire Julos Beaucarne, qui est l’une des personnalités artistiques qui m’a le plus impressionné par son empathie et sa bienveillance. C’était un poète exceptionnel.

Quelle a été ta plus belle rencontre de cinéma ?

L’ensemble des gens avec lesquels j’ai eu la chance de travailler. Cela me ramène aussi à ce livre magnifique d’Andreï Tarkovski, « Le Temps scellé ». C’est ma plus belle rencontre à travers un livre et c’est aussi lui qui m’a décidé à faire du cinéma. Si ses films m’ont parfois laissé sur la touche, dans ce livre, son propos sur le cinéma et sur le sens de la responsabilité de l’artiste est si juste... Je le conseille à tous ceux qui veulent embrasser ce métier.

« Akwaba » pour « Les Rayures du zèbre », « Saint-François de Molenbeek » pour « Habib, la grande aventure », rares sont les premiers titres qui persistent ?

Je regrette vraiment « Saint-François de Molenbeek » que je trouvais tellement plus drôle. Lorsque j’ai fait des sondages en France, beaucoup m’ont dit qu’ils auraient préféré « Saint-François de Molenbeek ». Le problème, ce sont les réflexes de peur, ils impliquent des titres plus consensuels qui ne font plaisir à personne. Il faudrait toujours privilégier l’audace. Prenez « C’est arrivé près de chez vous », s’ils avaient fait relire leur scénario, ils n’auraient jamais pu réaliser ce film d’une audace et d’une singularité infinies.

Quels ont été les grands tournants de ta carrière ?

« À fond la caisse » pour Strip-Tease, mais aussi le succès, certes un peu démesuré, rencontré par « Le Signaleur », qui m’a fait penser que j’avais peut-être quelque chose à faire dans ce métier.

Tu ne serais jamais devenu réalisateur si…

C’est la vie et ses accidents… À 18 ans, jamais je n’aurais imaginé faire des films de fiction.

Nous arrivons à Paris… Tu as réalisé cinq longs métrages en 24 ans, peut-on espérer un prochain film avant 2030 ?

J’ai déjà un germe d’idée, inch Allah…


1 UUR 22 MET BENOÎT MARIAGE

We ontmoeten de Belgische regisseur en scenarioschrijver Benoît Mariage, kort na de release van zijn vijfde speelfilm Habib, la grande aventure. Na zijn teleurstelling over het titelverlies van Union Sint-Gillis en de Thibault Courtois-affaire, die een schaduw wierp over het laatste optreden van de Rode Duivels, begrijpen we dat ook voetbal door zijn aderen stroomt ... maar we hebben het nu over cinema.

Boris Rodesch nam samen met Benoît Mariage de Thalys.


Kom je vaak in Parijs?

Voornamelijk om zakelijke redenen zoals de postproductie, het contact met distributeurs of om mijn producent te bezoeken die in Parijs woont.

Geniet je een zekere mate van erkenning in de Franse filmindustrie?

Ja, en dat verbaast me. Ik ben geen must-see, maar voor mensen die geïnteresseerd zijn in films zijn Mariage, de Belgische cineast, Les Convoyeurs attendent en twee, drie andere films geen onbekenden.

Hoe zou je je jeugd omschrijven?

Ik ben geboren in Izel-sur-Semois, in de Gaumestreek, en kom uit een gezin van vier kinderen. Mijn moeder gaf de zorg voor mij uit handen aan oppas Josée, een oude dame uit het dorp die mijn tweede moeder werd. Ik word nostalgisch als ik aan de Gaumestreek denk. Mijn jeugd stond in het teken van het plattelandsleven, met eenvoudige pleziertjes als vissen, zwemmen in de Semois en fietsen ... Voor mij staat het plezier dat ik nog steeds beleef aan fietsen gelijk aan een madeleine van Proust. Ik herinner me Eddy Merckx, de uitzendingen van de Tour de France en de televisieserie L’Homme du Picardie, waar iedereen ‘s avonds voor thuis bleef. Ik voel me meer 20e-eeuws dan 21e-eeuws. Digitale technologie, IT, ik heb het er moeilijk mee ...

Wat was je relatie met film?

Ik ontdekte eerst de fotografie. Toen ik twaalf, dertien jaar was gaf mijn vader zijn camera.
Ik kon niet wachten tot de vakantie voorbij was en ik eindelijk mijn foto’s kon zien. Ik ontwikkelde ze op de ouderwetse manier, in het donker met ontwikkelbakjes. De eerste keer dat ik de beelden zag verschijnen, voelde ik meteen dat dit een onderdeel van mijn leven zou blijven. Ik wilde eigenlijk fotograaf worden en ben via de fotografie bij de film terechtgekomen.

Wat was het mooiste cadeau dat je als kind hebt gekregen?

Een doos Subbuteo (noot van de redactie: het cult-tafelvoetbalspel) die ik van mijn oom had gekregen. Als ik net zoveel tijd had besteed aan lezen als aan het spelen van Subbuteo, dan zou ik nu vast en zeker veel beter onderlegd zijn (lacht).

Na het afronden van je middelbare school behaalde je je rechtendiploma terwijl je al werkte als journalist voor de lokale pers.

Voor mijn vader, die notaris was, was er geen sprake van dat zijn zoon fotografie zou gaan studeren. Maar hij stelde me ook voor aan mensen die slim genoeg waren om tegen me te zeggen: “Met dit diploma kun je altijd nog journalist worden”. Ik heb dus op safe gespeeld. En na vijf jaar studie heb ik mijn diploma aan mijn vader gegeven en hem gezegd: “En nu wil ik films maken”. Ik twijfelde over de journalistiek, waarin ik al gewerkt had met mijn vriend Éric Boever, wiens vader journalist was bij het dagblad Vers l’Avenir. Ik schreef verslagen voor het provinciale voetbal. Op zondag zaten we in de redactiekamer en belde ik de clubs voor reacties na afloop van de wedstrijd. Ik sprak met dronken mensen in de kantine die onzin uitkraamden ... Ik was een vrij goede schrijver, maar omdat ik ook goede foto’s maakte, boden ze me een baan aan als fotograaf en versloeg ik zowel het nieuws als de sport. In die tijd profiteerden we nog niet van de snelheid van het digitaal werken, we moesten de spoelen verzamelen, ze ontwikkelen ... Digitale technologie heeft dit beroep echt veranderd. Alles wat ik heb meegemaakt bij Vers l’Avenir was een aaneenschakeling van onsamenhangende gebeurtenissen: we woonden sportevenementen bij, reconstrueerden misdaden, interviewden kunstenaars en politici. Het was deze erfenis van uitzonderlijke emoties en ontmoetingen, waar ik veel uit geput heb bij het schrijven van het script voor Les Convoyeurs attendent. Het zijn allemaal verhalen die je niet kunt verzinnen als je in je kantoor zit te schrijven, het is een realiteit die je je niet kunt voorstellen. Ik heb een aantal persoonlijke anekdotes gebruikt en ik zou bijna auteursrechten moeten betalen aan Vers l’Avenir voor alle inspiratie (lacht).

Herinner je je nog de dag dat je voor het eerst tegen jezelf zei: “Ooit word ik cineast”?

Niet echt, ik was vooral geïnteresseerd in pers- en straatfotografie. Maar omdat ik al als fotograaf werkte, gaf ik er de voorkeur aan om na de rechtenstudie door te gaan met studies tot hoofdoperator en cameraman, wetende dat dit me in staat zou stellen om verder te gaan met fotografie of documentairefilms. De studies waren ook korter dan voor regisseren en hoewel ik toen al wilde regisseren, leek het me zinvol om eerst te leren omgaan met de camera. Dus schreef ik me in bij het INSAS, waar ik me snel thuis voelde.

Volgt dan jouw bijdrage aan het cultprogramma Strip-Tease van RTBF?

Ik stelde Roger Beeckmans, mijn docent op het INSAS en één van de beste cameramannen van RTBF op het gebied van rapportages, voor om een afstudeerproject te doen over een karmelietenklooster waar ik als kind altijd eieren ging halen. En toevallig wilde Jean Libon, een van de oprichters van Strip-Tease, een onderwerp doen over contemplatieve ordes. Roger Beeckmans overtuigde me ervan om mijn onderwerp aan hen voor te stellen. Ik was hun Trojaans paard, ze gaven me het beste team dat beschikbaar was en ik kon de film maken, die veel reacties opriepen. Ik kon meteen aan de slag en deed een aantal onderwerpen voor ze, maar het viel niet mee om er een goede boterham mee te verdienen. Ik ging ermee door tot de release van À fond la caisse, waar een echt moreel probleem ontstond, omdat ik geen enkele empathie had voor de tirannieke vader die ik filmde. Of ik moest hem duidelijk maken dat hij zich slecht gedroeg en stoppen met filmen, of ik moest me inhouden en doorgaan met filmen. Door dit dubbel gevoel voelde ik me niet meer op mijn gemak en besloot ik te stoppen met Strip-Tease. Ouderlijke overdracht had een onderwerp moeten zijn dat me raakte, want ik maakte het tot het centrale thema van mijn eerste speelfilm Les Convoyeurs attendent, die bijna een kopie is van het indoctrinatiethema dat centraal stond in de reportage À fond la caisse.

Ik hield van de vrijpostigheid van de producenten van Strip-Tease. Op 25-jarige leeftijd was werken voor deze cultshow zoiets als de Heilige Graal. We filmden op celluloid, dus het was echt een documentairefilm. Het was ook een uitstekende leerschool voor fictie, want als je aan een documentaire werkt, kun je veel sneller schakelen, omdat je weet dat het onverwachte een dagelijkse factor is. Naar mijn mening hebben documentairemakers het vermogen om de werkelijkheid opnieuw in te schatten, zodat ze deze voortdurend kunnen bijstellen.

Wat zijn je eerste filmherinneringen?

De film waar ik het meest van onder de indruk was en me deed overstappen van documentaire naar fictie was Time of the Gypsies van Emir Kusturica. Andere grote klassiekers waren Elephant Man, Breaking the Waves en de Tsjechoslowaakse New Wave-films Loves of a blond en The Fireman’s Ball van Milos Formans. Absurde, ironische komedies die ook maatschappelijke films zijn.

Als we naar je Wikipedia-pagina kijken, zien we dat je een kleine rol hebt gespeeld in C’est arrivé près de chez vous?

Toen ik bij Vers l’Avenir werkte en wist dat we vaste voet in Namen moesten krijgen, stelde ik de hoofdredacteur voor om een verhaal te maken over jonge Namense filmmakers die met weinig middelen een film maakten. Ik kende Ben al (noot van de redactie: Benoît Poelvoorde), omdat we vroeger samen de kortfilmfestivals in Namen onveilig maakten. De hoofdredacteur antwoordde: “Luister Mariage, ik betaal je niet om je vrienden plezier te zien maken”. Ik hield voet bij stuk en we konden een paar foto’s maken op de set. Foto’s die de krant vervolgens over de hele wereld verkocht. En omdat ik mijn camera-apparatuur bij me had, vroeg de filmploeg of ik figurant wilde zijn in de scène bij de uitgang van het Paleis van Justitie. Uiteindelijk ben ik twee seconden van achteren te zien, verschijnt mijn naam op de aftiteling en denken mensen dat ik in de film gespeeld heb. Wikipedia en het bereik ervan roept echt de vraag op over het checken van bronnen.

Je carrière als fictieregisseur begon in 1997 met de release van je eerste korte film Le Signaleur?

Op dat moment was ik al begonnen met het schrijven van het script voor Les Convoyeurs en ik stelde het voor aan mijn producer, Dominique Janne, die Le Roi danse had geproduceerd. Hij was enthousiast, maar hij dacht niet dat het door de commissie zou komen omdat ik nog nooit eerder fictie had geregisseerd. Het script voor Le Signaleur heb ik dus in één dag geschreven. En het was opnieuw een visioen dat ik had toen ik bij Vers l’Avenir werkte. Tijdens het kijken van wielerwedstrijden zag ik een oude man die ergens in de middle of nowhere de weg vrijhield, heel blij dat hij weer iets kon bijdragen aan de maatschappij. Er was een spanning tussen de absurditeit van de taak en een soort valorisatie van de functie. De film was bijna klaar. We gingen naar Cannes waar we de prijs van La Semaine de la Critique wonnen. Deze eerste korte film in zwart-wit heeft de commissie duidelijk gestimuleerd om Les Convoyeurs (ook in zwart-wit) te accepteren. Leuk om te weten is dat de cast van Le Signaleur bestond uit Bouli Lanners, Benoît Poelvoorde, die al in C’est arrivé près de chez vous had gespeeld, en Olivier Gourmet, bekend van La Promesse van de gebroeders Dardenne ... Een behoorlijk goede cast dus!

Was de keuze voor je vriend Benoît Poelvoorde als Roger Closset in Les Convoyeurs attendent een logische volgende stap?

Ja, en hij heeft hem uitzonderlijk goed neergezet. Hij werd geïnspireerd door zijn vader. Op de avond van de première rende hij naar zijn moeder. Zijn vader was overleden en hij wilde zijn moeder tegen hem horen zeggen: “Dat is papa”. Ze vertelde hem dat ze zichzelf herkende in de rol van de moeder, wat precies op hetzelfde neerkwam. Hij heeft veel van zichzelf in de rol gestopt. Voor het filmen bespraken we samen zijn personage en hij zei tegen me: “Roger Closset is het type man die, als hij boodschappen gaat doen in de supermarkt, zijn brommerhelm niet afzet”. En met dat ene detail hadden we het hele personage.

Benoît Poelvoorde, Olivier Gourmet, Bouli Lanners en François Damiens, om er maar een paar te noemen ... Wat is je leidraad bij het regisseren van acteurs?

De keuze van acteurs is cruciaal, maar in de eerste plaats moet je jezelf kunnen regisseren. Vervolgens moet je hun vertrouwen behouden en vooral niet te directief zijn. Zoals ik vaak benadruk bij mijn studenten aan het IAD, kun je je rol als regisseur niet verantwoorden door de acteurs te bombarderen met informatie. Het is beter om ze te zien spelen en er dan één of twee punten uit belichten. Want uiteindelijk hebben zij veel meer over hun scènes nagedacht dan de regisseur. Zij zijn degenen die zich blootgeven, zij staan met het gezicht naar de camera gericht. En als je ze aanstuurt voordat ze je kunnen laten zien wat ze in huis hebben, ontneem je jezelf hun toegevoegde waarde. Als je je acteurs goed kiest, heb je nooit problemen. In het tegenovergestelde geval kan het soms pijnlijker worden.

Wat drijft je het meest bij het maken van een film?

Het probleem is dat als ik aan het schrijven ben en leef als een monnik, ik op de set wil zijn, en omgekeerd, als ik op de set ben en mij van alle kanten iets gevraagd wordt, mis ik mijn leven als monnik. Dat is de dualiteit van dit beroep, het leven als een monnik en als een bedrijfsleider. Als ik aan het schrijven ben, kan ik soms enorm gelukkig zijn omdat ik een scène aan het creëren ben, maar aan de andere kant kan schrijven ook snel deprimerend worden. Als er een week of twee niets gebeurt, vraag ik me af wat ik acht uur per dag alleen in mijn kantoor doe en heb ik het gevoel dat ik het leven mis.

Je hebt het vaak over het belang van het vinden van mensen om mee te praten. Is het op deze momenten van eenzaamheid dat je ze opzoekt?

Ze zullen jouw gebrek aan creativiteit niet goedmaken. Ze komen pas om de hoek kijken als je al iets hebt gemaakt en je probeert te zien of het werkt, omdat je de waarde van een creatie soms verkeerd kunt inschatten, vooral in komedies waar er een reëel risico is dat het belachelijk wordt. Het is de lengte van het proces dat moeilijk is. Als je een grap die je drie jaar eerder hebt geschreven al 80 keer voorbij hebt zien komen, is het niet makkelijk om zelfverzekerd te blijven. Ik praat vooral graag met mensen over het onderwerp voordat ik ga schrijven. Dit voorkomt dat je je te snel op een idee richt zonder het van alle kanten te hebben besproken. Ik geloof dat een goed script zich zelf schrijft.

Op welk moment vind je dat een idee genoeg draagkracht heeft om er een film van te maken?

Het is een overtuiging en een akte van geloof gekoppeld aan de intuïtie om te kunnen zeggen: “Ik heb een onderwerp”. Bovenal moet je ervan overtuigd zijn dat het onderwerp sterk genoeg is om je er meerdere jaren voor te blijven interesseren.

Hoe zou je jouw films omschrijven?

Dat laat ik aan de journalisten over. Maar als er een bepaalde erfenis wordt opgeroepen van Italiaanse komedies, die het bittere en het zoete vermengden met een vorm van ernst en ironie, dan vind ik dat alleen maar leuk.

Je geeft les aan het IAD. Overdracht, is dat belangrijk?

Ja, en ook het delen want overdracht is een beetje eenzijdig. Ik ben 62 en kom uit een traditioneel patriarchaal milieu. Mijn studenten denken anders, ze worden geconfronteerd met uitdagingen waar wij niet mee geconfronteerd werden toen we 25 waren. Voor mij is het een echte bron van interesse om hun uitdagingen, hun levensstijl, hun eisen, de noties van gender, het wokisme te proberen te begrijpen. Het is een cadeautje om met hen van gedachten te kunnen wisselen. Je moet het niet zien als een eenzijdige relatie tussen meester en leerling, maar meer als het delen van ervaringen tussen vrienden.

Is het ook een manier om ervaring op te doen en je vak dagelijks opnieuw te leren?

Precies, want als dingen niet lukken, komen ze naar mij voor oplossingen. Dit dwingt me om goed op te letten. Voor elk van hun scènes probeer ik te begrijpen wat werkt en wat niet, en dat helpt me ook om scherp te blijven. Als we het hebben op het regisseren van acteurs, probeer ik ze te leren dat ze de acteurs intellectueel gezien niet moeten overbelasten. Als een acteur een scène van twee minuten moet spelen, is het beter om hem die tien keer opnieuw te laten doen dan twintig minuten met hem te praten. Dit zijn dingen die ik uit ervaring geleerd heb. Maar mijn studenten zitten al in het vierde jaar en ze zijn briljant en erg gemotiveerd.

Zitten er studenten tussen die er bovenuit steken?

Veel. Joachim Lafosse, Emmanuel Marre, François Pirot en Raphaël Balboni zijn allemaal opkomende regisseurs. Maar ik zou niet willen dat je nu zou zeggen dat ze dankzij mij talent hebben. Het is gewoon geweldig om ze nu als collega’s te hebben.

Met wie zou je vast willen zitten in de Thalys?

Ik heb er vaak van gedroomd om Christian Bobin hier tegen te komen. Hij is mijn favoriete schrijver. Op het gebied van literatuur is dat een geweldige ontmoeting, die op verschillende niveaus fundamenteel is. Ik had ook Julos Beaucarne kunnen zeggen, een van de artistieke persoonlijkheden die met zijn empathie en welwillendheid de meeste indruk op mij heeft gemaakt. Hij was een uitzonderlijk dichter.

Wat was je mooiste ontmoeting in de filmindustrie?

Alle mensen met wie ik heb mogen werken. Dit doet me ook denken aan dat prachtige boek van Andrei Tarkovsky, Sculpting in Time. Het is het mooiste boek dat ik ooit heb gelezen en het heeft me ook doen besluiten om films te gaan maken. Bij zijn films was ik dan af en toe de draad kwijt, maar in dit boek kloppen zijn opvattingen over film en het verantwoordelijkheidsgevoel van de kunstenaar als een bus ... Ik raad het boek iedereen die dit beroep wil uitoefenen aan.

Akwaba in plaats van Les Rayures du zèbre, Saint-François de Molenbeek in plaats van Habib, la grande aventure, er zijn maar weinig eerste titels bewaard gebleven?

Ik vind het echt jammer van Saint-François de Molenbeek, die titel vond ik zoveel grappiger. Toen ik de meningen in Frankrijk gepeild had, bleek dat veel mensen een voorkeur hadden voor Saint-François de Molenbeek. Het probleem is de angstreflex, die leidt tot meer consensuele titels waar niemand blij mee is. We zouden meer lef moeten hebben. Neem nu C’est arrivé près de chez vous, als ze hun script hadden laten nalezen, hadden ze deze film van oneindige lef en eigenzinnigheid nooit kunnen maken.

Wat waren de belangrijkste keerpunten in je carrière?

À fond la caisse voor Strip-Tease, maar ook het succes, zij het een beetje overdreven, van Le Signaleur, waardoor ik dacht dat ik misschien iets te zoeken had in dit vak.

Je zou nooit regisseur geworden zijn als …

Het is het leven en zijn toevalligheden ... Toen ik 18 was, had ik nooit gedacht dat ik fictiefilms zou maken.

We komen aan in Parijs ... Je hebt vijf speelfilms gemaakt in 24 jaar. Kunnen we je volgende voor 2030 verwachten?

Ik heb al iets in gedachten, inch Allah …